[Dimanche 3 septembre #2 - Caillasse filante]

Dimanche 3 septembre, C…



J’ai fait un tour au jardin ce matin avec ma tasse de thé ; j’ai passé un long moment en face d’une libellule perchée sur un piquet à tomates – j’ai commencé par me dire, que, en dehors des jolis reflets irisés de ses ailes, qu’elle n’avait pas de couleur particulière – en tous cas comparée à ces libellules bleues ou rouges qu’on voit parfois – et puis j’ai pensé au bleu du ciel, qui, chez les grecs anciens je crois, n’était pas considéré comme une couleur franche – le mot « glauque » vient du mot qu’ils utilisaient pour la désigner ; qui sait si, dans d’autres circonstances, je n’aurais pas été impressionnée par cette libellule, que j’aurais vue débordante de couleurs ? J’aime, et porte souvent, du brun, du marron, du vert très doux, du beige – une de mes amies parle en riant de mes « non-couleurs » - je suis sûre, moi, que ces couleurs-là sont rayonnantes.


*


J’ai ouvert le carton où on a stocké, en partant d’Irlande, les collections de cailloux et de coquillages qu’on a récoltés là-bas – quand on a commencé à ranger le gîte qu’on occupait, c’est par ça que j’ai commencé : organiser les enveloppes et autres cartonnettes dans lesquelles j’ai mis les cailloux – on a le sens des priorités ou on ne l’a pas... Je l’ai ouvert, parce que ça n’a pas de sens de rapporter des cailloux et puis de les oublier dans un carton ; je les ai soigneusement mis à l’abri dans des bocaux de verre que j’ai étiquetés, un peu comme un herbier mais les pages sont des bocaux de verre. Et puis j’ai fondu en larmes. Je me demande ce que ça signifie, tous ces cailloux et tous ces coquillages enfermés; est-ce que, un jour, mes enfants devenus vieux ouvriront tous ces bocaux en se demandant quoi en faire, en soupirant ? Ou même, moi ?

Je pense à des tombes pierreuses.


Une histoire me revient en mémoire ; je crois que c’est une nouvelle de Régine Détambel : un jeune garçon passionné de musique et de concerts capture et met sous cloche l’air et l’ambiance des concerts où il se rend. Il rassemble ainsi une collection de bocaux soigneusement étiquetés, remplis d’air ; et un jour, je ne sais plus pour quelle raison, il ouvre tous ses bocaux : un immense et magnifique concert de silence ; et il n’y a plus rien.


Moi, je mets de la caillasse sous cloche, du sable, des coquillages ; je me leste.



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J’ai vu une étoile filante !

 

 

Demain, c'est la rentrée - ensablons l'angoisse.

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