[Jeudi 19 octobre #2 - Alchimie]

Jeudi 19 octobre, C…


Hier, première soupe de l’automne avec une butternut du jardin, pas bien grosses les butternuts cette année mais j’ai été un peu émue en allant les chercher : ça fait deux ou trois ans que mon jardin est en roue libre, je n’ai pas assez d’énergie en stock pour m’en occuper bien ; la récolte de cet automne sera vite épuisée. La pomme de terre que j’ai utilisée pour la soupe avait la forme d’une patte de dinosaure (ai-je décrété). Ça fait un peu cliché, cette histoire de première soupe de l’automne, peut-être ; mais l’histoire derrière cette histoire de soupe, c’est que j’ai passé l’après-midi sous la couette, incapable de rien faire sinon tenter de me réchauffer, lire un peu, somnoler – c’est l’état général de ces derniers jours / semaines* – et que, vers dix-huit heures, il s’est passé un truc, un sursaut d’énergie peut-être qui se serait rassemblée durant les heures de latence auxquelles je n’arrive pas à me soustraire, et qui s’est traduit par l’envie de faire quelque chose de doux à manger. Alors va pour le cliché et la patte de dinosaure.


*J’ai été opérée des sinus la semaine dernière ; rien de grave mais une étape dans le traitement de cette sinusite chronique qui me pourrit la vie depuis plus d’un an et m’empêche de dormir correctement. Je suis en arrêt de travail quelques jours suite à l’intervention ; ces quelques jours sont très étranges ; ils me permettent aussi de mesurer (pas certaine que c’est le bon mot) la fatigue, les angoisses, le corps qui raconte et babille et craque et chuchote et se fendille – littéralement : un examen tout récent de mon genou droit révèle que j’ai un ménisque fissuré. Rien de grave, toujours.


*


Mon taux de fer est semble-t-il très bas ; j’ai entamé un traitement (un traitement féérique, m’a dit S.) en pensant à mon frère qui, de son côté, se passionne pour les bas-fourneaux et la transformation de minerai de fer en acier. J’ai peut-être bien tenté de jouer les alchimistes sans le savoir : un moral d’acier nécessite une matière première dont je me passe depuis trop longtemps. Je suis, décidément, un corps solide. Je suis aussi un corps qui vieillit, et ça, je le mesure aussi à l’aune des photos qu’on a regardées récemment ; je ne sais pas ce que je ressens précisément à ce sujet – je sais combien nous sommes conditionnées à ne pas aimer vieillir, à chercher à cacher le processus, à dissimuler, retaper, combler – est-ce que, pour autant, je l’accepte ? Pas très sûre de pouvoir répondre encore à cette question.


Et une part de moi un peu irrationnelle se demande si, une fois que mon taux de fer sera remonté, je ne vais pas me mettre à rajeunir.


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