[Mercredi 9 août #18 - Langages]

Mercredi 9 août, Les B…



Nous avons terminé la journée dans la petite cour pavée, sous un parasol qui ne servait plus à rien puisque le soleil était passé par-dessus le mur mais c’est doux d’être sous ce parasol. Nous avons parlé de voyage, et du sens que prennent nos voyages – je crois que c’est parti d’une réflexion sur le langage, sur cette idée douce de se laisser bercer par une langue aimée, qu’on ignore, et qui pourtant nous raconte des choses profondes – je crois que l’irlandais me raconte des choses dont je n’ai pas idée, mais un territoire en moi résonne à sa simple idée. Elle a évoqué son voyage en Grèce quand elle était étudiante – on a compté : c’était il y a quarante-sept ans. Un seul grand voyage, qui continue de la nourrir et qui continue de se déplier pour elle. Lui, il a parlé d’une nuit dans le désert du Sahara passée dans une voiture à moitié déglinguée, et du ciel – je me disais en l’écoutant que certaines personnes, décidément, ont besoin de chercher des mots pour dire, et n’en finissent pas de chercher à préciser ce qu’ils cherchent à exprimer, et cette recherche donne de la force à ce qui a été vécu ; et d’autres simplement évoquent – et ce qui a été vécu n’en perd aucune force.


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Il faut peut-être que j’évoque seulement ce musée – dirigé par ce « cousin multi-séculaire » (nos familles se connaissent depuis environ trois siècles, on se le rappelle à chaque fois qu’on se croise) qui nous fait rire et dont l’érudition semble sans limite, qui tape sur l’épaule des vieux historiens compassés dans leurs cadres dorés, qui batifole comme un poisson dans son aquarium dans la réserve de la bibliothèque du deuxième étage pleine à ras bord de livres, revues historiques, annuaires locaux et autres collections antiques et poussiéreuses, et qui imite à merveille - avec beaucoup de tendresse - les vieilles dames mutines et indéfrisées par ailleurs Justes parmi les nations.

 

 

[Été 2023 - Journal de bord, fragments]

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