[Samedi 2 septembre #1 - Du thé à la ronce]

Samedi 2 septembre, C…



Je suis prête pour l’automne, ça y est ; ces derniers jours, j’ai enfilé de grosses chaussettes en laine au petit matin et actualisé mes connaissances (très pauvres) sur le délicat sujet des gratins au four – je n’ai jamais appris à cuisiner : je ne reviens pas aux bases, je les pose – et quoi ? Il s’annonce une canicule pour la semaine prochaine. Canicule ou pas, la nuit tombe plus tôt ; j’aime bien sentir comme elle me prend de vitesse, le soir.

 

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J’ai bien avancé sur la préparation de l’année scolaire qui s’annonce ; le calendrier prend forme ; j’ai l’impression de parvenir à respirer dedans.


X. s’initie à l’usage de la faux : on a laissé pousser l’herbe au jardin depuis le printemps. Je dors toujours fort mal, sinusite chronique oblige ; je vois un spécialiste bientôt. Les chouettes effraies nichent à deux pas, un rat vient visiter le compost (je l’ai vu) ; l’idée d’aller marcher au prochain étang me traverse souvent mais je ne trouve pas l’énergie de me mettre en mouvement. L’idée de voir des gens, ou le fait même de voir des images de ville m’angoisse légèrement (ou pas légèrement ; je ne sais pas ce qui est léger et ce qui ne l’est pas). Je reste au nid. 

 

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Hier, j’ai rouvert quelques cahiers-journaux de ces dernières années ; décidément, quand je regarde ces périodes pourtant pas si lointaines depuis mon promontoire actuel, je suis impressionnée de voir comment je faisais tenir ensemble les morceaux hétéroclites de mon quotidien sans rien cimenter ; j’ai longtemps compté sur ma mémoire, ma bonne forme physique, mon habileté à rebondir, mon énergie souvent débordante – ou plutôt : ma tendance à m’épuiser sans vraiment en avoir conscience -, pour que ma vie tienne debout : j’étais une championne de la construction de muret en pierres sèches – je jonglais avec du granit.


Aujourd’hui, je touille consciencieusement, et en silence, ma marmite de béton aux herbes : le quotidien, ici, ne tient debout que consolidé au mortier.


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Lu ce matin, dans Pélerinage à Tinker Creek (Annie Dillard, éd. Christian Bourgois, p 77) :


Mes lectures ressemblent à ces hommes de pierre que construisent les Esquimaux des grandes toundras désolées à l’ouest de la baie d’Hudson. (…) Un Esquimau, lorsqu’il voyage seul dans les grandes landes stériles, entasse des pierres rondes à hauteur d’homme, poursuit sa route jusqu’à ce qu’il ne puisse plus voir sa balise, et en érige une autre. Ainsi se déroule mon voyage silencieux, de livre en livre, guidé par ces hommes et ces femmes sans yeux qui peuplent la plaine vide. Je me réveille brusquement, et me dis : Qu’est-ce que je suis donc en train de lire ? Qu’est-ce que je vais lire, maintenant ? Je suis prise de panique à l’idée que je vais être en panne de livres, que j’aurai lu tout ce que j’avais envie de lire, et qu’il ne me restera plus, au bout du compte, qu’à apprendre le nom des fleurs sauvages pour me maintenir éveillée.


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Ce serait bien que je range mon placard à provisions. J’ai exhumé un bocal de feuilles de ronces que j’ai fait sécher il y a deux ans, voire trois ans – alors je me suis fait un thé vert à la ronce. 

Rêver d'une vie d'ermite - parfois.

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