[Vendredi 11 août #19 - Regarder dehors]

 Vendredi 11 août, C…



Détricoter le nœud : on perçoit nettement le raccourcissement des jours, le temps est maussade, je lis (je relis) L’odeur de la forêt, d’Hélène Gestern (ce roman est une merveille). Et j’ai ressenti une pointe d’inquiétude quand maman, contrairement à son habitude, n’a pas répondu tout de suite au téléphone. Tout ceci tourne vaguement en moi ; une histoire de temps qui passe, de présent cousu au passé, de conscience douce et aiguë en même temps que les choses ne durent pas. Est-ce que être vivant, c’est avoir peur ?


*


J’ai été efficace aujourd’hui : j’ai pris des rendez-vous médicaux, envoyé un message important, fait des courses ; et j’ai balancé sur mon ordinateur deux ans et demi de photos qui dormaient dans mon téléphone portable (mais je n’ai pas encore vidé mon téléphone – demain…). Il faudra que je m’en occupe plus régulièrement, à l’avenir. Peut-être que, même si j’ai eu le sentiment du devoir accompli une fois tous ces transferts effectués, ça m’a remuée plus que j’imaginais l’être ; ça ne serait pas étonnant, finalement, deux ans et demi de vie ont défilé sous mes yeux – mes proches et des lieux aimés.


Je pense à la protagoniste de L’odeur de la forêt : elle sort de deux ans de deuil et de repli sur elle, a coupé la communication avec beaucoup d’amis ; pour d’autres raisons que le deuil, je me replie sur moi-même ces dernières années, et laisse le temps étirer plusieurs relations qui pourtant sont importantes pour moi ; parce que j’ai l’impression de n’avoir aucune énergie à leur consacrer (et je pense que c’est vrai ; mais je pense aussi qu’il est bon pour moi parfois de ressentir des petits électrochocs qui me font relever les yeux et me dire : regarde dehors, aussi).


Et ceci rappelle à ma mémoire une image du rêve que j’ai fait la nuit dernière : j’y vois mon ami B., à qui je raconte quelque chose sans queue ni tête d’un air inspiré, comme si je cherchais à donner le change alors que je ne suis qu’épuisement, et je me sens stupide – quelque chose comme ça.

 

 

[Été 2023 - Journal de bord, fragments]

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