[Vendredi 4 août #15 - Quelque chose de neuf]

Vendredi 4 août, C...


Depuis deux nuits, S. dort sur le canapé dans la « salle » parce que, dit-elle, ça fait plusieurs fois qu’elle a l’impression d’entendre des bruits de souris dans sa chambre. Dans sa chambre, on est en plein rangement, on va enlever un gros meuble et changer une étagère, c’est le barouf, on a des piles de livres d’enfants qui s'entassent à emporter chez mes parents – donc, simplement passer devant le canapé où elle a dormi, et sentir que ça fait de la joie de changer les habitudes. Hier soir, après avoir regardé un dessin animé tous ensemble, X. a cherché des chansons qu’il écoutait quand il était ado, on a regardé des clips des années 80 (je découvrais en même temps que S. : je ne sais pas par quel processus étrange je suis passée, mais ce qui est sûr, c’est que j’ai grandi sans les codes populaires des personnes de ma génération. J’en souris aujourd’hui en disant qu’il me manque des pans entiers de culture – mais je n’en ai pas toujours souri ; avoir l’impression d’être une extra-terrestre, un peu, n’est pas toujours confortable – je ne sais pas si je dois écrire ça au passé ou au présent. A la réflexion, au présent, si si, c’est pertinent : je suis toujours, malgré mon goût pour Instagram, capable de passer tout à fait involontairement très loin de phénomènes populaires de masse – c’est un simple constat) et on a dansé comme des fou-folles jusqu’à bien trop tard. Mais c’était bien chouette.


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J’ai rencontré hier un deuxième kiné – le premier, vu la semaine dernière, m’avait mise très mal à l’aise – et c’était une bonne idée de changer : celui-ci est bien plus à l'écoute. Le diagnostic concernant mon genou est plus précis (quoique potentiellement plus enquiquinant) ; étape suivante : passer une IRM. J’avoue, ces temps-ci, ça me fatigue, les pépins de santé (pas graves) qui s’accumulent. En moins d’un an, trois menaces d’opérations chirurgicales, je suis passée au large de la première, on va voir bientôt ce qui se passe pour les suivantes.


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J’ai trié des vêtements ces derniers jours ; j’en ai posé chez Emmaüs, et mis de côté des vieux trucs immettables pour en faire des chiffons ; j’ai ressorti la machine à coudre, ça m’a fait plaisir. J’ai aussi deux gros cartons de vêtements de mes « précédentes » vies que je ne sais plus où stocker - je les conserve, pour de très nébuleuses et sentimentales raisons ; de temps à autres, je remets un pull ou un T-shirt en circulation parmi mes affaires quotidiennes. Je n’ai pas grandi dans la culte de l’apparence, loin de là, alors je ne sais pas trop d’où me vient cette espèce de fétichisme pour les vêtements ; je me souviens de certains que je portais lors de moments particuliers ; ils sont là, dans la boîte. Hier, S. s’est mise à pleurer sur son lit pendant qu’on rangeait une de ses étagères, on a parlé du temps qui passe, on a formulé que c’est normal d’être chamboulée quand on modifie ses propres repères, que ça nous parle de lâcher des souvenirs, des habitudes, de la sécurité, et qu’une part de nous a besoin de temps pour s’ajuster à quelque chose de neuf, même si c’est pourtant nous qui aspirons à ce quelque chose de neuf. On a finalement ri ensemble, on a continué le tri (si, je sais d’où ça vient, cette propension à tout garder : c’est atavique ; il y a quelques années, ma mère a dû jeter les restes mangés aux mites de la tenue de communiant du grand-oncle mort jeune, que mon arrière-grand-mère avait conservés pieusement dans une malle à moitié pourrie durant toute sa vie – je reviens d’un peu loin).

 

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[Été 2023 - Journal de bord, fragments]

 

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