{Mythologie intérieure} La Gardienne de l'Ouest

 Mythologie intérieure - la mienne, celle qui se dessine dans ma vie, fait sens au fil de mes expériences, celle qui raconte l'histoire, l'autre histoire, celle qui se fait entendre sous mes mots et sous mes images.


J'apparais à celles qui m'appellent, à celles qui cherchent sans savoir ce qu'elles cherchent, à celles qui se croient perdues dans les plis du temps et des cartes routières. J'apparais à l'heure où on se résigne à ne plus me voir arriver, dans le creux du crépuscule, dans ces moments-charnières où on ne sait plus si on va dormir ou si on va s'étourdir.


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Je suis la Gardienne de l'Ouest, et je commande aux vents doux et aux vents furieux. Je suis la Gardienne des Iles du Couchant, Gardienne des rochers devant l'océan. Je vois Vénus au-dessus d'un horizon qui s'obscurcit, je veille sur les cavernes où vont dormir les ours et sur les landes désolées des finisterres.


Je suis celle du granit, des carrefours et des vieux forts - sous mes paupières brûlent des histoires perdues, des légendes féroces et de vieux mots gaëls.


J'endors les enfants, réveille les ombres, assourdis les tambours et provoque le brouillard. Sous mes mains l'océan avale le soleil et son sang irrigue ma terre, colore mes cheveux et les cailloux de mes chemins.


Je suis Gardienne des vies passées et des voix dont on entend l'écho sous les pierres.

On craint ma venue - je suis l'ourse, la terre et le creux ; je suis le creux et la grotte qui accueille tout autant que celle qui hiberne, je descends et jaillis tour à tour, maîtresse des cycles et des renouveaux.


Je hurle dans l'entrebâillement des portes entrouvertes, murmure au pied des chênes, je fais sourdre l'eau d'entre les pierres et des yeux des vieilles.


Je porte des haillons pour toute armure, le vent dans une main et mon cœur dans l'autre, le chant de mes protégées pour toute carte.


Je coupe, mets à terre, recycle, bats les cartes et puis les rebats, je suis l'échevelée magnifique aux pieds crasseux face au vent, celle qui ne veut que ton bien en te malmenant et te dépouillant de tout ce que tu crois connaître, celle qui fait mourir ce qui en toi n'est plus vivant et te rend à ta vie – ta vie, celle qui piaffe, impertinente, au détour du sentier.

 

 

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Photo : IG. Paysage du Donegal (Irlande)

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