Décembre 2020 - {Passage, solstice}
"Certes, certes, c'est l'automne, bientôt l'hiver, soupire le loup..."
...phrase
fétiche que j'ai retenue durant l'enfance, espèce de talisman sonore
qui me sert toujours de rappel vers un temps qui ne passe plus, qui
vient d'un de ces contes pour enfants sur cassettes, écoutés jusqu'à
épuisement de la bande rembobinée jusqu'à plus soif.
C'est bientôt l'hiver, à moins qu'on y soit déjà, la noirceur gagne, à moins que ce soit la lumière qui soit déjà victorieuse, attendant simplement ce moment qui arrive, aucun doute possible : le noir ne va plus pouvoir grignoter quoi que ce soit.
Je n'ai pas à m'en faire. Je suis en sécurité, la patience est reine, le loup hurle dans le bois - et le temps, comme un gant, se retourne sur lui-même.
*****
Sortir avec précaution un collier pas
porté depuis des années. Identifier le vent d'ouest, revenir à la maison
les chaussures couvertes de terre après avoir nettoyé - enfin - une
partie du potager. Aller faire changer les pneus de ma voiture, lire un
roman tandis que le garagiste bricole et plonger dans l'histoire, m'en
extraire avec difficulté, ouvrir des yeux hagards, et revenir dans le
monde sur la pointe des pieds.
Être là, être dans un corps qui me raconte ce qu'il ne tient qu'à moi d'entendre.
Me souvenir qu'il n'y a rien à faire pour rejoindre le courant, pour être vivant-e parmi les vivant-e-s.
On a le pied dans la porte, entre une année et celle qui
la suit, entre l'obscurité et le jour qui se réveille, tout ça. Je me
sens en suspens, quelque part sur la courbe dessinée par mon corps jeté
dans l'espace de sa propre existence, de passage, pas très sûre du truc
(c'est bien ça, la vie ? Attendez, pas trop vite, j'ai déjà loupé
quelques épisodes et je voudrais pas être à la ramasse pour la
suite...), les yeux un peu étonnés et l'air sans doute pas très au
courant de ce qui se trame dans le monde réel (lequel ?).
Cette
journée de solstice est, d'un point de vue météorologique, complètement
pourrie ici, mais il se trouve que le reste est loin de l'être.
Ce
n'était pas prévu, mais on a fait un joyeux repas de solstice, avec une
belle nappe sur la table, des bonnes odeurs de tartes et de pain qui
lève ; les petits préparent un spectacle de Noël ; j'ai rouvert mon
piano, un peu délaissé ces derniers temps, et déchiffré avec un plaisir
que j'avais pas anticipé des partitions simples de Bach (j'ai même envie
de trouver des partitions de Scarlatti, je suis retombée en amour pour
ses sonates) ; on a fait un grand feu dans le jardin ce week-end avec
deux amies chères, on a traîné dehors jusqu'à deux heures du matin, bien
emmitouflées, à faire le tour de tout ce qui a bougé pour nous ces
derniers mois (rituel parfait, simple et doux comme j'aime) ; j'hiberne.
J'hiberne et ma tanière est douce, petite mais accueillante, je me pose
et je vais restaurer mes forces. Je me restaure.
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Crédit photos : I. G.
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