Décembre 2020 - {Passage, solstice}

"Certes, certes, c'est l'automne, bientôt l'hiver, soupire le loup..."

...phrase fétiche que j'ai retenue durant l'enfance, espèce de talisman sonore qui me sert toujours de rappel vers un temps qui ne passe plus, qui vient d'un de ces contes pour enfants sur cassettes, écoutés jusqu'à épuisement de la bande rembobinée jusqu'à plus soif.

 




C'est bientôt l'hiver, à moins qu'on y soit déjà, la noirceur gagne, à moins que ce soit la lumière qui soit déjà victorieuse, attendant simplement ce moment qui arrive, aucun doute possible : le noir ne va plus pouvoir grignoter quoi que ce soit.

Je n'ai pas à m'en faire. Je suis en sécurité, la patience est reine, le loup hurle dans le bois - et le temps, comme un gant, se retourne sur lui-même.
 

 

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Sortir avec précaution un collier pas porté depuis des années. Identifier le vent d'ouest, revenir à la maison les chaussures couvertes de terre après avoir nettoyé - enfin - une partie du potager. Aller faire changer les pneus de ma voiture, lire un roman tandis que le garagiste bricole et plonger dans l'histoire, m'en extraire avec difficulté, ouvrir des yeux hagards, et revenir dans le monde sur la pointe des pieds.

Être là, être dans un corps qui me raconte ce qu'il ne tient qu'à moi d'entendre.

Me souvenir qu'il n'y a rien à faire pour rejoindre le courant, pour être vivant-e parmi les vivant-e-s.

 


 

 
On a le pied dans la porte, entre une année et celle qui la suit, entre l'obscurité et le jour qui se réveille, tout ça. Je me sens en suspens, quelque part sur la courbe dessinée par mon corps jeté dans l'espace de sa propre existence, de passage, pas très sûre du truc (c'est bien ça, la vie ? Attendez, pas trop vite, j'ai déjà loupé quelques épisodes et je voudrais pas être à la ramasse pour la suite...), les yeux un peu étonnés et l'air sans doute pas très au courant de ce qui se trame dans le monde réel (lequel ?). 



Cette journée de solstice est, d'un point de vue météorologique, complètement pourrie ici, mais il se trouve que le reste est loin de l'être.


Ce n'était pas prévu, mais on a fait un joyeux repas de solstice, avec une belle nappe sur la table, des bonnes odeurs de tartes et de pain qui lève ; les petits préparent un spectacle de Noël ; j'ai rouvert mon piano, un peu délaissé ces derniers temps, et déchiffré avec un plaisir que j'avais pas anticipé des partitions simples de Bach (j'ai même envie de trouver des partitions de Scarlatti, je suis retombée en amour pour ses sonates) ; on a fait un grand feu dans le jardin ce week-end avec deux amies chères, on a traîné dehors jusqu'à deux heures du matin, bien emmitouflées, à faire le tour de tout ce qui a bougé pour nous ces derniers mois (rituel parfait, simple et doux comme j'aime) ; j'hiberne. J'hiberne et ma tanière est douce, petite mais accueillante, je me pose et je vais restaurer mes forces. Je me restaure.

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Crédit photos : I. G.

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